Pline le Trône

Menez



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 - Grosse, hein, en fait. Pas à foutre, grosse; finalement t'es qu'une grosse vache. 
Un G, un R, un O, deux gros S et un E, le tout en majuscule parce que c'est plus
gros et que donc c'est plus toi. Allez, on y  va mon tas d'amour. Zoom arrière, fin 
du plan américain, plan moyen, le personnage avance d'un pas/Zoom Arrière,
apparition du décor, bord d'une falaise normande genre Etretat, fond de ciel gris, chargé,
le personnage a disparu du cadre;le spectateur conclut au suicide. Fin.


Deweil pose la feuille sur le bureau, le silence qu'il garde a présent, après sa lecture, se 
veut pesant. S'enfonce dans le cuir noir du fauteuil, lance négligemment son Dupond sur le
bois exotique du bureau, la classe désinvolte, pas de cravate, costard un peu froissé mais
tellement cher ! Ménez aimerait bien que le patron accouche, même d'une vacherie; il 
cherche à lire sur ses traits des indices de pensées; il n'arrive pas à grand chose et c'est 
aussi bien car il serait déçu; la conscience de Deweil n'est occupé que de ce seul souci : 
Mimé-je bien le consterné?

- Juste une question Ménez, est-ce que cela vous fait rire ? Autrement dit Ménez, avez-
vous la satisfaction, en sus de celle de vous payer la tête de votre patron, avez-vous la 
satisfaction disais-je de vous bidonner en me soumettant cette potacherie consternante ? 
Non, ce n'est pas une plaisanterie ? Il se trouverait donc dans cette entreprise leader qui
 réalise un chiffre plus important que celui du plus important de ses clients, un hurluberlu,
 un idiot du village, un abruti de la plus brutale extraction, infécond, parasite, lagaffien, 
payé plus de quinze mille par mois ? Et je ne le saurais pas, moi qui nomme par son 
prénom chaque collaborateur de cette turne ? Non, non, Ménez, cher André, vous venez 
de vous offrir quelque chose de coûteux et que ne goûte habituellement qu'une certaine 
élite je dois le reconnaître, vous venez de vous offrir un foutage de gueule du patron. Si, 
si, Ménez, absolument, mais laissez-moi vous dire deux choses mon petit André : Un, 
votre humour est à chier, on n'en voudrait pas dans un magazine pour ados. Deux, quand
 on se paie la tronche du boss, on a un plan, on veut monter sa boîte et profiter des 
indemnités de licenciement ou bien on a une proposition; je sais que vos capacités 
d'entrepreneur sont du niveau de votre humour, pour ce qui est d'une embauche chez 
nos concurrents, laissez-moi vous dire que je compte le diffuser dans le métier ce 
torchon, qu'il soit bien entendu qu'on ne jette pas ses employés chez Mediatop mais 
qu'en toute rigueur on se sépare des jean-foutre, voire d'éléments subversifs, comme cet
 André Ménez, celui qui avait proposé, pour une campagne sur le thème : " vivre avec et 
résoudre ses problèmes de poids ", l'histoire d'un boudin qui décide de prendre encore 
trois kilos et de se jeter du haut d'une falaise. Tous les fax de toutes les agences de la 
ville vont bientôt imprimer votre oeuvre, Ménez, ces Trois kilos plus tard serviront d'ici
 peu d'argument à tous les libéraux qui veulent conserver aux patrons la possibilité de 
dégager rapidos un salarié. Sur ce Ménez, voyez au secrétariat pour les modalités, je ne
 vous salue pas.


Ménez sorti, Deweil se lève, marche lentement vers la grande baie qui lui offre la vue 
des magnats, les gratte-ciel et la ville. Il voudrait exhaler un calme olympien mais il jubile
 vraiment de trop. Pour sa première exécution en tant que directeur des ressources 
humaines, il trouve qu'il a été vraiment très bon, qu'il a écrasé ce cloporte avec le dédain
 idoine, la manière véritablement aristocratique. Il est bon Deweil, pas à foutre, bon. 
B.O.N. Evidemment, il était marrant son synopsis au guignol mais bon, on n'est pas là 
pour se marrer, on est là pour faire du pèze et avec cette première démonstration 
d'autorité incontestablement justifiée, mon gars Deweil, tu vas t'imposer dans la boîte
 et ton traitement qui n'est déjà pas dégueulasse va devenir franchement comme il faut, 
ça va bientôt être ze VIP dans les clubs parisiens ze gréate Deweil !!!

Sonnerie. Téléphone.

- Deweil ? Ganz, pouvez passer deux minutes ?


Deweil ouvre son tiroir, quelle cravate ? Ouais celle-là la verte. Et puis merde ! Deweil 
va imposer sa griffe, Deweil va aller voir le grand patron sans cravate. Deweil ? 
Il bouffe du lion et il met pas de cravate; c'est les couilles Deweil, des couilles on
 peut pas lutter.

La secrétaire.


- Ganz m'a demandé de passer.
- Monsieur Ganz va vous recevoir.

Un doute. La porte s'ouvre.


- Asseyez-vous Deweil. Silence. Ganz lit un papier avec des tableaux de chiffres. le 
silence est à présent suffisamment long pour que Deweil reprenne la taille qui sied au
 directeur des ressources humaines dans le bureau du grand patron, celle d'un gnome.
 Ganz lève les yeux, il se penche pour voir le schtroumpf vert Deweil à l'extrémité
 de son immense chaise s'effarer du précipice qui sépare ses jambes du sol. 

- Dites-moi Deweil, quelles sont les trois campagnes les plus lucratives que nous 
ayons menées ces dix dernières années ? Non, non, ne consultez rien du tout, je 
vais vous le dire. Boufboulettes, Sirup et Décrassor. Boufboulettes, deux cent 
cinquante mille 4x3, vous pouvez me rappeler le slogan ?
- " Boufboulettes, votre chien y l'aime ".
- Exact. Sirup, campagne exclusivement radio. " Sirup, rup, rup, ça c'est sirop ".
 Et les films Décrassor, vous vous rappelez ? Le type sac d'os avec le slip rayé qui 
nettoie si bien la maison de la grosse bavaroise que celle-ci le saisit par la peau du
 cul direction la chambre au lit kolossal métallique. Excellent goût n'est-ce pas ? Vous
 me mettez un nom derrière ces campagnes Deweil ?


La phase de liquéfaction commence; Deweil a compris, c'est Ménez. Mais Deweil
 reprend du volume, il est presque à l'échelle dans sa chaise, il vient de se rappeler qu'il 
était un grand garçon et qu'il avait des billes :
- Tout de même monsieur Ganz, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse d'un type qui
 nous propose une campagne totalement suicidaire, et qui a cogité dessus pendant trois
semaines ? vous voulez qu'on déprime tous les gros de ce pays et qu'on essuie tous les
 procès de tout le monde bien pensant ?

- Deweil, la prochaine campagne des dragées Débloc c'est ça : Un type qu'on devine
 malsain se colle un pétard dans les fesses, giclures infectes sur tous les murs de la 
salle de bain. Slogan : " Utilisez plutôt Débloc. " D'après les premiers tests le succès 
sera immense. 

Deweil, décrivez-moi le Ménez que vous vous représentez.

- Une grosse limace stupide et cynique.

- C'est exactement ça Deweil, vous me rassurez, vous avez commis une erreur
 aujourd'hui mais vous êtes bien la clairvoyante salope qu'il nous faut au poste que
 vous occupez. Le monde sera bientôt constitué pour l'essentiel de deux grandes
catégories d'humains : les grosses limaces et les cyniques. Ménez est un donc mutant
hybride parfaitement en phase avec le monde qui se joue; il nous faut Ménez. Vous allez 
donc me rappeler Ménez, lui confier la charge du recrutement de sa grosse vache et ne
faites pas cette gueule là, pour vous faire digérer la chose nous allons tourner dans trois 
semaines dans ma campagne normande. Trois kilos plus tard c'est le début d'une ère.
 Champagne !
 



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